Avant-propos Aux États-Unis, on a l'habitude de voir les campagnes électorales donner lieu à des échanges vigoureux, voire échauffés, entre les candidats qui tentent de se démarquer les uns des autres sur tout un éventail de questions, dont le dossier de la politique étrangère. Le système de défense nationale antimissile est l'un de ces sujets brûlants sur lequel le candidat républicain, M. George Bush, et son rival démocrate, M. Albert Gore, croisent régulièrement le fer pendant la campagne présidentielle de l'an 2000. Dans un premier temps, le gouvernement Clinton a nié que l'on avait besoin d'un système de défense nationale antimissile. Ensuite, il a tergiversé. Maintenant, la démarche qu'il propose est boiteuse - elle repose sur la création d'un dispositif qui serait déployé initialement dans un seul site, alors que les experts disent que c'est insuffisant. Loin de défendre seulement notre pays, un système de défense antimissile se doit de protéger nos alliés, que je consulterai dans le cadre de l'élaboration de nos plans. Toute modification du traité ABM doit autoriser les techniques et les essais indispensables au déploiement d'une défense adéquate contre les missiles. Propos tenus par le gouverneur George Bush sur le thème d'une « Nouvelle prise en main de la sécurité nationale », Washington, le 23 mai 2000. Le gouverneur Bush a saisi l'occasion de son bref entretien [en avril 2000] avec le ministre russe des affaires étrangères, M. Ivanov, pour l'avertir de son intention de construire et de déployer à l'échelle planétaire un système sorti tout droit de la guerre des étoiles, étant persuadé que ce système pourrait défendre les États-Unis et leurs alliés contre tous les missiles, d'où qu'ils soient lancés. Dans les années 1990, la plupart des analystes sérieux ont mis en évidence l'invraisemblance de cette entreprise, la facture astronomique qu'il faudrait présenter à nos contribuables ainsi que les conséquences dangereuses et déstabilisatrices qu'il y aurait à s'engager dans cette voie, et ils ont rejeté cette perspective (...) Pour ma part, et nous sommes en négociation avec les Russes sur ce point, je penche pour l'introduction de modifications au traité ABM qui déboucheraient sur la mise en place d'une défense rationnelle et exécutable contre une attaque nucléaire lancée par un État hors-la-loi. Propos tenus par le vice-président Albert Gore à l'Institut international de la presse, à Boston (Massachusetts), le 30 avril 2000. Le présent numéro de la revue électronique se propose d'examiner le lien entre la politique étrangère et les campagnes présidentielles aux États-Unis. Elle place dans son contexte historique le poids de la politique étrangère dans les élections passées et analyse le rôle qu'elle joue dans la campagne actuelle. Dans la section « Dossier », un expert décrit le nouvel esprit partisan qui donne le ton à la politique étrangère des États-Unis. Dans des entretiens séparés, deux conseillers en matière de politique étrangère, l'un auprès du candidat démocrate à la présidence, M. Albert Gore, et l'autre auprès de son rival républicain, M. George Bush, évoquent les principaux domaines d'intérêt de leurs partis respectifs. D'autres articles expliquent comment les médias traitent des questions de politique étrangère pendant la campagne électorale, en quoi les plates-formes annoncées lors des conventions d'investiture permettent de définir la position des partis politiques en matière de politique étrangère et à jusqu'à quel point les récents sondages d'opinion reflètent les préoccupations des électeurs. Enfin, ce numéro présente la position de principe du candidat du parti démocrate, du parti républicain, du parti de la Réforme et du parti Vert en matière de politique étrangère.